Bien alimenter son cheval : quand l’émotion, l’empathie et l’écoute prennent tout leur sens…

Bien alimenter son cheval : quand l’émotion, l’empathie et l’écoute prennent tout leur sens…

Cet article a été rédigé par Sabrina Peyrille, ingénieur alimentation du cheval et diplômée de l’Université de Rennes en Ethologie du cheval.

Quand j’ai été sollicitée par Demivolteface pour rédiger ces quelques lignes sur l’importance de l’alimentation dans la vie du cheval, j’ai tout d’abord écrit des phrases classiques que l’on peut lire dans la plupart des manuels. Puis je me suis dit que c’était enfin l’occasion d’aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur au quotidien et qui est en parfaite adéquation avec la philosophie de ce blog : l’empathie ou la nutrition émotionnelle. Parce que nourrir c’est avant tout aimer !
C’est de la non prise en compte de cet amour que naissent la plupart des incompréhensions dans le monde du cheval. Quand quelqu’un raisonne avant tout par amour, vous pourrez lui montrer les plus belles des recettes écrites sur du beau papier, que ce soit en équitation, en soins, en alimentation, si vos conseils ne prennent pas en compte ce que la personne acceptera de faire ou de ne pas faire par amour, et bien vous avez détruit la plus grande partie de votre enseignement.
Mais à l’inverse, aimer c’est écouter. Le cheval, avant d’être bien nourri, doit être bien dans sa tête. Tenir compte de son comportement est indissociable d’une bonne gestion alimentaire. Comme dit l’adage « pas de pied, pas de cheval » et bien « pas de moral, pas de cheval non plus ».
Comme en diététique humaine où anorexie et boulimie sont considérées avant tout comme des problèmes comportementaux, pour quelles raisons obscures ce monde du cheval soit disant si technique, avant-gardiste et respectueux ne prend-t-il que peu en compte ce paramètre primordial du moral dans la gestion des chevaux ?
Nourrir un cheval est extrêmement simple si l’on prend bien soin d’un paramètre essentiel : son budget-temps. Le cheval mange environ 16h/jour, a besoin de contacts sociaux et de se déplacer librement : voilà simplement les 3 ingrédients de la plus belle recette du bien-être du cheval. Reste 1 ingrédient qui souvent complique l’histoire : l’Homme et son besoin de tout contrôler. Cet Homme qui au fil du temps a modifié l’environnement du cheval et lui a fait perdre son sens.
De bien longues phrases pour dire que normalement, la plupart des chevaux (plus de 90%) peuvent se satisfaire d’herbe (sèche ou pâturée), de copains et de liberté s’ils sont en bonne santé.
De quoi souffrent les chevaux de sport aujourd’hui ?
Les chevaux de sport souffrent aujourd’hui du manque des 3 ingrédients de la recette : bouger, manger tout le temps et avoir des contacts sociaux…
Les chevaux souffrent aujourd’hui de leur valeur financière qui les condamnent à devenir des vases de Chine dans une vitrine bien fermée.
Les chevaux de sport souffrent aujourd’hui d’ulcères à l’estomac, meurent de coliques (un risque financier bizarrement accepté par tout le monde) mais n’ont pas le droit de se blesser au paddock ou d’avoir un ventre rempli de foin qui rendrait leurs lignes disgracieuses.
Les chevaux de sport souffrent de ne plus être des chevaux…
Peut-on nourrir son cheval exclusivement au foin ?
La réponse est OUI sans aucun problème pour une très grande partie des chevaux. Même les chevaux qui sont montés presque tous les jours et qui sortent en concours à niveau amateur peuvent se satisfaire de ce régime, à condition que le foin soit donné en quantité suffisante pour l’occuper 16h/jour et soit de qualité.
C’est avant tout le stress et le manque de moral qui font maigrir un cheval. Le stress fait brûler beaucoup de calories. Si vous améliorez le bien-être de votre cheval, vous améliorez l’efficacité alimentaire de son système digestif.
Du foin à volonté c’est possible. Par contre, il est nécessaire d’adjoindre obligatoirement un complément minéral et vitaminique (CMV) qui viendra maintenir un ratio Zinc/Cuivre, Calcium/Phosphore optimum, ainsi qu’une bonne couverture en vitamines et Sélénium. Lequel me direz-vous ? Et bien difficile de répondre car à chaque calcul de ration correspond un CMV différent car chaque cheval est unique.
Comment fournir un CMV a un cheval ?
Les différents CMV du commerce se présentent sous plusieurs formes :
  • en poudre,
  • en petits granulés,
  • en mélanges de plantes séchées,
  • en petits palets agglomérés.
Hélas, tous ces CMV ne sont pas égaux face à leur facilité d’ingestion. Certains se mangent très facilement à la main, d’autres restent au fond du seau par manque d’appétence. Chaque cheval étant différent, il faut d’abord choisir le CMV en fonction de son adéquation avec la ration et ensuite vérifier s’il se mange facilement. Si çe n’est pas le cas, vous pouvez le mélanger avec une poignée de son de blé bio ou de pulpe de betterave réhydratée (quelques granulés mis à tremper dans un peu d’eau).
Un CMV du marché doit pouvoir afficher une composition ainsi que les quantités de chaque minéral et de chaque vitamine. Certains compléments à base de plantes ne peuvent pas garantir ces informations pour la simple et bonne raison que les compositions des plantes changent d’une récolte à une autre. A vous de voir si vous souhaitez les utiliser pour la diversité alimentaire qu’ils apportent ou pour réellement combler les carences éventuelles de vos rations.
Les grands chevaux sont-ils difficiles à nourrir ?
Si l’on adapte les quantités de foin au gabarit de son cheval, eh bien un grand cheval n’est absolument pas compliqué à nourrir. Le problème réside souvent dans le fait que les grands chevaux, dans les structures équestres, mangent les mêmes quantités de fourrages que les autres.
Si l’on prend l’exemple d’un grand selle français de 600kg, qui doit manger environ 2,5 kg de MS/100 kg de poids/jour, cela fait 15 kg de MS de foin soit 17,5 kg de foin brut/jour. Si vous pesez réellement cette quantité de foin, vous verrez que peu d’écuries distribuent autant de foin. Les grands chevaux maigrissent donc plus rapidement. On augmente ainsi leurs rations de granulés, ils mangent encore moins de foin. Ils développent des ulcères à l’estomac par manque de salivation et d’occupation et la boucle est bouclée.
Donc n’oubliez surtout pas qu’un grand cheval doit ingérer du fourrage à volonté.
Quelles seront les pratiques alimentaires de demain ?
Pour ma part, une seule réponse envisageable : un fourrage de qualité maîtrisée, de composition botanique diversifiée et à volonté (en filets à foin petites mailles, éparpillé au sol…)
Le reste n’est qu’une adaptation à une activité sportive plus ou moins intense ou à une pathologie particulière (SME, obésité, Cushing, fourbure…).
Ces pratiques alimentaires ne pourront pas être efficaces si le cheval n’est pas pris dans sa globalité. Il faudra ainsi revoir les modes d’hébergement et les pratiques d’équitation.
J’ai par exemple suivi un cheval qui avait mal au dos à cause d’une selle non adaptée. Sa douleur était telle qu’il a arrêté de manger. La plus belle des rations ne pouvait rien tant que la selle n’était pas modifiée. Une fois la douleur prise en charge, l’appétit est revenu et le cheval s’est métamorphosé.
Quel est le rôle du nutritionniste ?
Le nutritionniste, pour faire un travail cohérent, ne doit pas se dédouaner d’une approche holistique du cheval. Les problèmes alimentaires cachent bien souvent d’autres problèmes bien plus graves qu’il est nécessaire de corriger.
Il peut vous aider à calculer votre ration idéale en tenant compte de tous les chevaux à nourrir, de leurs différences, de la praticité d’utilisation des aliments, de leur coût. Bien entendu, il doit avant tout vous écouter et surtout comprendre le lien qui vous unit à vos équidés par le biais de l’alimentation. Si vous avez besoin de beaucoup d’ingrédients pour être heureux, eh bien cet état de fait doit être acté. Car le nutritionniste doit aussi entendre que pour vous, nourrir est une manière essentielle de dire à votre cheval que vous l’aimez. Par contre, son devoir est aussi de vous aiguiller quand le cumul d’ingrédients peut devenir toxique ou quand vos bases ne sont pas assez solides.
Le nutritionniste est avant tout un formateur. Il aide à la prévention des problèmes, adapte les rations en fonction des pathologies diagnostiquées par le vétérinaire.
Donc ne vous étonnez pas si lors du premier contact le nutritionniste vous oriente vers un vétérinaire pour une prise de sang, vers un dentiste pour une vérification des dents, vers un ostéopathe pour des douleurs. Cela voudra justement dire qu’il a regardé votre cheval dans sa globalité et que l’alimentation ne sera qu’un petit paramètre d’efficacité parmi d’autres…

Un conseil ?
Continuez à aimer vos chevaux mais surtout aimez-les dans la simplicité.
Ne faites pas de son alimentation un combat de tous les jours où vous alternez les produits, les dosages, les formes. Le système digestif du cheval a horreur des changements donc, si votre ration est efficace, ne changez rien ou changez une seule chose à la fois et attendez 1 mois avant de juger de l’intérêt de ce changement.
Sabrina PEYRILLE

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